Un article qui va dans le même sens que les écrits de ce blog. Nous assistons au retour d'un nihilisme moderne.
- Encore un nihiliste. (la vie)
Nos sociétés sécularisées ont bien de la peine à comprendre les phénomènes spirituels et religieux. La foi, nous explique-t-on, n’est que du fanatisme, de
l’archaïsme, et désormais de l’islamisme. Peut-être la forme la plus aboutie de cette méconnaissance consiste-t-elle à plaquer la grille de lecture religieuse quand, justement, elle n’explique
rien ou embrouille tout. Rappelez-vous la tragédie d’Oslo, à l’été 2011, lorsque le tueur norvégien fut un peu vite qualifié de " fondamentaliste chrétien ". Il me semblait alors que la dérive
sanglante de Anders Behring Breivik devait beaucoup à la société du spectacle, avec la sous-culture de mort, d’exhibition et de
violence virtuelle qui l’accompagne désormais. Plus, en tout cas, beaucoup plus qu’à la religion ou à
la politique.
Solitaires, prisonniers de fantasmes de puissance, incapables d’aimer ou de se laisser aimer, refusant plus encore d’espérer, ces frustrés recouvrent d’oripeaux pseudopolitiques
le trou béant de leur existence. Leur violence exprime sans doute le mal-être de sociétés faussement insouciantes, où l’on croit naïvement que la promesse de prospérité et de « qualité de
vie » peut combler un tel gouffre. Pardon de me répéter ! Mais je viens de reprendre mot pour mot ce que j’avais noté en 2011. Je ne le fais ici que par souci d’objectivité.
Honnêtement, je ne vois pas de raison de penser autrement en 2012. Anders Behring Breivik ou Mohamed Merah, Merah ou Breivik. L’un ou l’autre, presque indifféremment, oscillant entre
schizophrénie et « voyouterie ». Des paumés. Des enfants perdus. Des largués. Pas des militants, oh non ! Des hommes qui n’ont plus ni foi ni loi.
Le tueur de Toulouse et le tueur d’Oslo, me semblent étrangement frères. Frères de spectacle. Frères de sang. Faute d’exister par l’amour, ils ont sublimé leur échec dans la haine. Ils
veulent entrer dans l’histoire par l’abjection. Je ne crois pas qu’ils soient dupes de leurs propres justifications. En revanche, ils savent pertinemment ce qu’ils nous font. Il est donc à la
fois facile et indispensable de ne pas nous laisser entraîner à tomber dans leur piège. D’autres qui massacrent dans les campus américains sont-ils si différents, d’ailleurs ? S’ils tuent,
ils le font en tout cas sans distinguer entre leur semblable, leur double même, et celui qu’ils voient comme leur ennemi : des Norvégiens en Norvège, des Français en France, et parmi ces
Français, des enfants juifs et de jeunes soldats, pour certains musulmans, pour d’autres chrétiens. Confusion totale. Abjection maximale.
Bien sûr, l’islam demeure malade de l’islamisme. Bien sûr, le génie maléfique d’al-Qaida et de sa mouvance est d’utiliser frustrations et confusions mentales pour semer le trouble et,
justement, politiser la religion et polariser nos sociétés. De cela, ne soyons jamais dupes. Mais face à cela, n’oublions pas le plus troublant : ces serial killers sont aussi les enfants de
nos pays. Avant d’être l’assassin que l’on sait, Merah n’était-il pas un "bogoss" des quartiers ? Entre rodéos en voiture et boîtes de nuit, n’a-t-il pas obtenu ce qu’il voulait avec ce long
happening télévisuel ? La dignité, maintenant, c’est de tourner la page. S’il faut lutter contre, que ce soit contre une culture nihiliste. Celle qui, décidément, fabrique des monstres en
série.