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Politique et réalités

Politique et réalités

Faits politiques, commentaires, analyses, portraits, dossiers, présentation de livres pour mieux appréhender le monde actuel.


L'évolution de l'opinion entre la France et l'Allemagne

Publié par Philippe Soulier Champeval sur 20 Janvier 2013, 15:19pm

Catégories : #Histoire des idées politiques

1870 : la France entre en guerre contre la Prusse
Photo non datée du chancelier allemand Otto von Bismarck.
Photo non datée du chancelier allemand Otto von Bismarck.Crédits photo : -/AFP

Le 19 juillet 1870, Napoléon III provoqué par le chancelier Bismark déclare la guerre à la Prusse. Dès lors l'image de l'Allemagne se confond avec le prussien agressif. Le conflit se termine le 28 janvier 1871.

Article paru dans Le Figaro du 31 juillet 1870.

Le suffrage universel et les prodigieux progrès de l'industrie et de la science M. de Bismarck n'y prend pas assez garde auront sur la campagne qui commence une influence qui ne doit pas échapper à nos hommes d'État.

En 1870 ce ne sont plus les souverains ce sont les peuplés munis par la science et l'industrie qui font la guerre. Est-ce que M. de Bismarck invoque l'amour du roi Guillaume? Est-ce que le peuple français et l'armée ne crient pas «Vive la France» avant tout autre cri? Est-ce que ce n'est pas au nom de ses intérêts, de sa grandeur que chaque nation se soulève pour se ruer à la guerre?

M. de Bismarck a voulu la guerre -peut-être l'a-t-il plus vite qu'il ne la désirait- mais il l'a voulue; c'est lui qui a chauffé la candidature Hohenzollern, c'est lui qui n'a pas voulu que son roi s'engageât pour l'avenir quant aux questions; de liberté que M. de Bismarck veut soulever c'est une affaire qui nous regarde, et que nous réglerons nous-mêmes, et s'il y a des Français qui désirent la victoire des Prussiens, ce ne sont, pas certes des amants de la liberté; ce sont des gens à cerveau étroit qui ne savent pas que la liberté civile ne marche jamais sans l'indépendance nationale.

Que M. de Bismarck ne se mêle donc pas de nos affaires, car la France victorieuse aurait le droit de lui imposer l'obligation de changer la constitution militaire de la Prusse?

Cependant notre constitution politique n'opprime pas la Prusse, tandis, que la constitution militaire de la Prusse nous opprime et opprime l'Europe. C'est en effet bien moins la jalousie que peut inspirer à la France l'unification encore factice de l'Allemagne du Nord, que la constitution militaire de la Prusse, qui nous a entraîné dans des mesures guerrières, douloureuses pour le pays. M. de Bismarck n'a point dit «La Prusse sera grande parla liberté!» puisque pour faire la guerre en 1866 il a supprimé toutes les libertés parlementaires de la Prusse. M. de Bismarck n'a point dit à la Prusse: «Tu seras grande par l'idée allemande!» puisqu'il a pris le Slesvig du nord, qui parle danois, qui est régi par des lois danoises, qui est danois, mais qui renferme un port utile à la Prusse.

M. Bismark, un fléau pour le monde

M. de Bismarck a dit à la Prusse: «Tu seras grande par la conquête!»

Voilà pourquoi M. de Bismarck, comme tous les conquérants, est un fléau pour le monde.

Lorsque nous avions 400 mille hommes sous les drapeaux et 200 mille hommes de réserve, l'Europe faisait semblant de croire que nous étions un épouvantail en 1870 nous pouvons mettre 1 million 200 mille hommes en ligne et la Prusse nous jette à la face dés candidatures Hohenzollern. Est-ce la France ou la Prusse qui est un danger pour l'Europe?

Tous les documents diplomatiques du monde ne changeront pas la position de la question; toutes les habiletés et tous les mensonges prussiens ne déplaceront pas la réalité. La France gêne plus la Prusse que la Prusse ne gêne la France. Que la Prusse se résolve à être allemande et la France la laissera parfaitement tranquille. Mais la Prusse sent très bien que par sa position géographique son tempérament sa puissance, sa vieille autorité, son rayonnement intellectuel, la France doit jouer éternellement le rôle déjuge de paix et de gendarme de l'Europe. L'influence réelle de la France éblouit et gêne l'influence factice de la Prusse.

La France, sa grandeur et sa prospérité, sont l'objectif de M. de Bismark. Son marché, son marché et son crédit dominent l'Europe autant que son génie artistique et littéraire.

Où est le crédit prussien?

Où est l'art prussien?

Où est la littérature prussienne?

Ah! Vous venez nous parler de liberté! Parlons un peu de civilisation, vous qui assommez les Français et les Françaises, qui les volez comme sur une grande route, parce qu'ils ont en la faiblesse de croire que vous respectez la propriété et les personnes, dites-nous ce qu'est votre civilisation Chez nous aucun des vôtres n'a été insulté, tous les jours nous rencontrons à Paris des Prussiens, notoirement Prussiens, et on ne leur dit-rien, on les laisse libres, on respecte leurs établissements, leurs personnes et leurs propriétés. C'est que si nous ne sommes pas politquement libres dans toute l'acception du mot, nous avons l'esprit, le cœur et la logique d'un peuple libre et digne de le devenir.

Et le principe même de cette guerre est une preuve de notre respect pour la liberté.

La France ne fait pas la guerre aux plus faibles

Tant que vous, Prussiens, vous avez fait de la conquête en Allemagne ou autour de l'Allemagne, la France n'a rien dit, elle a souffert mais elle n'a pas réclamé. Un beau jour il vous plaît d'exporter la politique prussienne de l'autre côté des Pyrénées, nous réclamons et vous vous refusez à toute explication.- Mais si nous n' avions pas respecté la liberté des peuples, nous n'avions qu'à dire, à l'Espagne: «Nous ne voulons pas» Si elle résistait, nous avions meilleur marché d'elle que de vous; mais ce n'est pas l'habitude de la France de faire la guerre aux plus faibles. Elle a protégé la Turquie contre la Russie, le Piémont contre l'Autriche, et cela lui a porté malheur de ne pas protéger le Danemark contre la Prusse.

Si, n'écoutant que la voix de la justice, la France s'était écriée ce jour-là: «Vous ne toucherez pas au Danemark!»

Rien qu'en mettant la main sur la garde de son épée, elle vous imposait silence. Mais elle a dérogé à sa politique généreuse, et vous êtes devenus assez puissants pour désirer vous mesurer avec elle.

Eh bien, vous l'avez cette guerre! Vous allez la jouer, cette grosse partie! -Peut-être à l'heure qu'il est sentez-vous enfin que ce n'est pas une petite affaire que d'entrer en lutte avec la France mais le sort en est jeté. Les deux nations sont en présence, et il faut que votre ambition soit emprisonnée dans des limites absolues.

La France peut mettre douze cent mille hommes sous les armes sans avoir recours aux mesures révolutionnaires, qui font voler à la frontière envahie tous les citoyens capables de porter un fusil.

La France est riche et peut vous ruiner avec six mois de guerre, et vous ruiner si bien, si à fond, si irrévocablement, que le nom de Bismarck et celui de Guillaume seront maudits pendant vingt générations.

Eh bien, vous l'avez cette guerre!

Vous avez beau faire annoncer dans vos journaux que vous avez pris un soldat français et pillé un bureau de douane vous ne vaincrez pas la France, parce que l'armée française c'est la nation française. Le soldat français est un ouvrier qui peut être officier, qui a conscience de l'égalité et de la solidarité sociales. Vous êtes en face d'une démocratie armée, dans laquelle le fils d'un sous-officier devient duc de Malakoff, et où les enfants des anciennes familles troquent leur nom séculaire contre celui d'une glorieuse journée!

Vous avez, voulu la guerre, que nos soldats fassent votre défaite terrible, définitive et prompte!

Par Jules Riohard

 

Les Allemands de bon sens espérent que les Français surmonteront leur penchant instinctif de repli sur l'Hexagone.

Article paru dans Le Figaro du 15 octobre 1990.

Il importe aux Allemands que la période d'incertitude résultant de la fusion de leurs deux États se termine au plus vite. C'est avec impatience qu'on attend, entre le Rhin et l'Oder, les élections législatives qui se dérouleront le 2 décembre 1990. Il est temps que l'«interrègne» actuel prenne fin. Cette large résolution de prendre un nouveau départ, sous l'impulsion d'un gouvernement énergique et solide, jouera certainement en faveur de Helmut Kohl.

 

Les difficultés économiques et psychologiques vont être immenses et tout le monde -à l'Est comme à l'Ouest de l'ancienne ligne de démarcation- en est parfaitement conscient. Les voisins européens feraient fausse route en sous-estimant la volonté commune des Allemands de surmonter l'héritage lamentable laissé par le régime communiste de Berlin-Est. Le visiteur étranger se trompe facilement sur les véritables dispositions de la masse des Allemands moyens. Beaucoup d'intellectuels de la RFA, la plupart des journalistes et écrivains surtout, avaient abandonné tout espoir de voir leur pays réunifié dans un avenir prévisible. Certains se révoltèrent même à l'idée d'un tel renouveau national et s'adonnaient à un masochisme, à une abnégation patriotique que les autres Européens avaient du mal à comprendre.

Dans leurs contacts extérieurs, ces «clercs» continuent en 1990 d'afficher leur pessimisme et leur morosité face au développement futur. Ces réserves ne reflètent que très partiellement les dispositions réelles des larges couches populaires. D'autre part, dans l'ancienne RDA, les seuls porte-parole capables d'articuler et d'échafauder des propositions politiques ont été sans exception formés ou influencés -à leur insu parfois- par un régime de délation et d'oppression policière qui, pendant les quarante années de son existence, n'a pas seulement causé des ravages économiques et écologiques incalculables. Il avait également empoisonné et profondément faussé tout la vie intellectuelle. Cette convergence négative -à l'Est comme à l'Ouest- risque de déformer la perception des réalités germaniques du lendemain.

Avant la destruction du Mur de Berlin, des sondages avaient révélé que les citoyens de la République fédérale accordaient la priorité à la construction européenne plutôt qu'à leur destin national. L'Europe était presque devenue une patrie de rechange. En 1990, encore, beaucoup d'Allemands de l'Ouest -notamment les jeunes- se sentent plus proches des Belges, des Français et des Anglais que de leurs propres compatriotes de l'ex-RDA. Il est un fait qu'une étrange et désagréable atmosphère continue à régner sur l'ancien État de Erich Honecker.

Le nationalisme tapageur qui avait pratiquement disparu en RFA relève la tête parmi ces jeunes Allemands de l'Est qui avaient été soumis au verbiage hypocrite de l' «internationalisme prolétarien» et qui, en 1990, se défoulent en méprisant les Polonais ou même en pourchassant des ouvriers vietnamiens. Il y aura toute une éducation démocratique à faire. Il faudra enseigner la tolérance et surtout familiariser les habitants de l'ancienne RDA avec l'idée européenne qui, pour eux, n'est jusqu'à ce jour qu'une formule creuse.

Les soupçons

Les Allemands aussi vivent dans la crainte de voir l'unification du continent se ralentir à la suite de leur renaissance nationale. Ils se voient soupçonnés d'hégémonisme, voire de volonté de domination, alors que le gouvernement fédéral vient de réduire ses forces armées à un niveau inférieur aux effectifs militaires français et réaffirme son renoncement définitif à tout armement nucléaire. À Bonn, on serait fort satisfait si les Français retiraient de leur supériorité stratégique un sentiment de sécurité accrue, s'ils surmontaient une réserve politique qui commence à peser sur les relations entre Paris et Bonn. Un grand journal de Francfort regrettait récemment que certains parlementaires français semblent se retrancher' dans une mentalité de «ligne Maginot». Le chancelier Kohl est parfaitement conscient du malaise engendré par le dynamisme économique allemand et déplore probablement autant qu'Édith Cresson le manque d'initiative et de pugnacité des chefs d'entreprise et des exportateurs français. Quant à l'union monétaire européenne que les milieux financiers de Francfort abordent effectivement avec une certaine réticence, elle aurait tout à perdre si elle abolissait les fortes prérogatives de!a Bundesbank pour réduire le futur institut d'émission de l'Europe fédérée aux dimensions de la Banque de France.

L'Allemagne unifiée observe avec appréhension!es graves problèmes de ses voisins de l'Est. Contrairement à une opinion largement répandue à l'étranger, les dirigeants de l'économie germanique ne se sont pas lancés dans une nouvelle «ruée vers l'Est» (Drang nach Osten). Les appels à l'engagement industriel et commercial des Allemands dans les pays du Comecon viennent spontanément de Varsovie, de Prague, de Budapest et de Moscou. Les Russes notamment incitent le gouvernement allemand à des investissements, bientôt peut-être à une vaste action de programmation industrielle qui -au regard des incertitudes effarantes de ces régions— paraît extrêmement hasardeuse. Ce n'est pas l'Allemagne, tout occupée à sa normalisation interne, qui s'avance à pas de géant, c'est l'absence d'initiative des autres Occidentaux semble lui laisser la place libre. Paraphrasant François Mitterrand, le chancelier Kohl a récemment déclaré: «L'Allemagne est notre patrie, l'Europe est notre avenir.» Tous les Allemands de bon sens gardent l'espoir que les Français ne les laisseront pas seuls face aux incertitudes continentales demain et qu'ils surmonteront leur penchant instinctif au repli sur l'Hexagone. Un tel renoncement ferait finalement le malheur des uns et des autres.

Par Peter Scholl-Latour Journaliste, écrivain allemand

 

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