Veuillez trouver ci dessous la lettre ouverte que je viens de faire parvenir au premier ministre. Cette lettre fait suite au courrier que les députés Bruno Le Roux et Florent Boudiè lui avaient adressé le 30 janvier dernier, ainsi qu'à ma propre lettre ouverte à Madame Taubira publiée par Sud-Ouest le 29 janvier.
Je vous remercie pour votre soutien. Bien cordialement
Fabienne Boulin Burgeat
Lettre ouverte de Fabienne Boulin Burgeat au Premier Ministre, M. Jean-Marc Ayrault
Fabienne Boulin Burgeat
83350 RAMATUELLE
Ramatuelle, le 22 février 2013
Monsieur Jean-Marc Ayrault
Premier Ministre
Hôtel de Matignon
57 rue de Varenne
75007 Paris
Monsieur le Premier Ministre,
Dès le 30 octobre 1979 la vérité sur la mort de mon père, Robert Boulin, aurait pu être légitimement établie. Mensonges, incompétences, manipulations, vols successifs de scellés judiciaires et
pressions l’ont empêché. Aujourd’hui la justice s’évertue toujours à défendre une thèse fabriquée dès avant la découverte officielle du corps alors même qu'il a été amplement démontré depuis
longtemps qu’il ne s'agit pas d'un suicide.
La question essentielle de savoir où et quand est mort Robert Boulin reste aujourd’hui une énigme alors que de très graves anomalies (nous en avons recensé 75) ont vicié l’enquête sur les
circonstances de cette mort. Savez vous par exemple que le corps de mon père a été retrouvé à tout le moins à deux heures du matin, comme l'indiquent notamment les témoignages très précis et
concordants de Raymond Barre et du Sénateur Yan Gaillard dans leurs livres de mémoires, alors qu'officiellement la découverte du corps par la gendarmerie n'a eu lieu qu'à 8h40? Une réouverture de
l'instruction s’impose; une instruction réellement soucieuse d’aboutir à la vérité; une instruction sereine, enfin exempte des pressions politiques qui ont pollué cette affaire depuis la première
heure. Elle seule permettrait d’entendre des témoins importants qui s'impatientent de faire connaître à la justice, en toute sécurité, les éléments en leur possession.
Le 30 janvier dernier deux députés, le Président du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale, Bruno Le Roux, et le député de la Gironde, Florent Boudié, vous ont adressé à propos de cette
affaire un courrier dont ils attendent la réponse. Je suis moi-même dans l’attente d’une réponse à la lettre ouverte, publiée par Sud Ouest le 29 janvier dernier, que j’ai adressée à la Garde des
Sceaux, Madame Christiane Taubira. Ces courriers formulaient une demande claire et exprimaient un fort espoir d’obtenir une réouverture de l'instruction sur la mort de mon père, après 33 ans de
pressions politiques empêchant la vérité d’être établie. Nous avions voulu croire que vous aviez décidé de retenir votre réponse jusqu’à votre visite en terre girondine en compagnie de Madame
Taubira le 16 février dernier, certains que vous voudriez vous exprimer à cette occasion sur ces demandes, et plus généralement sur le scandale que constitue ce trop long déni de justice. Mais à
la question, bien prévisible, que vous a alors posée le journaliste de France 3 Bordeaux sur la réouverture de l’enquête de l’affaire Boulin vous avez répondu un énigmatique :"ce sont les
magistrats qui décideront".
Je souscris pleinement à votre souci, Monsieur le Premier Ministre, d’assurer l'indépendance des magistrats en mettant fin aux pratiques des régimes qui vous ont précédé. J’ai aussi pris bonne
note de la circulaire par laquelle en septembre dernier la Garde des Sceaux a décidé de renoncer dans les affaires individuelles au pouvoir d’injonction que la loi lui donne sur le ministère
public. Je ne veux toutefois pas croire que votre volonté de changement dans ce domaine se résume à cela. L’indépendance ne se décrète pas, elle procède d’une culture et d’une éducation. Comment
pourrait-elle tomber sur les esprits des magistrats comme l’Esprit Saint, par le miracle d’une circulaire? Je veux encore moins croire que votre gouvernement trouvera prétexte d’une circulaire
pour ne rien faire dans l’affaire Boulin, qui n’est pas une simple affaire individuelle, mais une affaire d’Etat, puisqu’il s’agit de la mort d’un ministre en exercice et d’une affaire qui a
souffert de très graves dysfonctionnements de nos institutions. Ne rien faire dans cette affaire reviendrait en fait pour votre gouvernement à valider les pratiques nauséabondes des régimes qui
vous ont précédé et avec lesquelles vous dites haut et fort vouloir rompre.
Vous le comprendrez, Monsieur le Premier Ministre, votre phrase prononcée à Bordeaux ne saurait satisfaire mes attentes. Ni, j’en suis certaine, celles des élus socialistes qui vous ont écrit et
des nombreux français que continue de révolter l’apparente volonté des autorités de notre pays de taire la vérité sur les circonstances de la mort de Robert Boulin. Alors qu’il est encore
possible de faire cette vérité et qu’il ne fait pas de doute que la justice et notre démocratie en sortiraient grandies.
La justice pour Robert Boulin, est ce ou non pour maintenant ?
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Premier Ministre, l'expression de ma haute considération.